Je ne vais pas parler ici du fait de remettre à demain le payement des factures ou le rdv chez le proctologue, mais plutôt de la difficulté que rencontre grand nombre de zèbres à se mettre en action, à concrétiser ce qui leur tient à cœur. A cette problématique de surdoué et procrastination plusieurs aspects : son histoire, son fonctionnement, le fonctionnement du monde, ses croyances.

La procrastination est souvent évoquée ainsi :

Je ne sais pas vraiment ce que je veux, ce que j’aime.
Je ne sais rien faire vraiment.
J’ai envie de choses tellement différentes que je ne sais quoi choisir.
Je ne sais pas comment m’y prendre.
Je n’y arriverais jamais…
Je fais plein de projets dans ma tête.

Évidemment si l’on vivait dans un monde, bienveillant, où l’échange, la curiosité de l’autre, l’attention, le respect (de la différence, de la nature), où l’originalité étaient privilégiés ; Où l’on chercherait des solutions de fond, où les choses seraient en lien les unes les autres, où le sensible, l’imperceptible, les émotions auraient toute leur place, ou l’on agirait avec son cœur, son énergie, où le qualitatif primerait sur le quantitatif, où les projets seraient basés sur la motivation, l’envie, les choses pour le surdoué seraient plus simples!!

Où la procrastination puise-t-elle ses sources ?

Mais voilà, nous vivons dans un monde individualiste, formaté, où la perte de sens, de motivations sont criantes, où l’on ne cherche pas tant des solutions mais surtout le pouvoir, le médiatique, le buzz, où les émotions, les hésitations, le doute, sont vus comme des faiblesses , où le politiquement correct à remplacé l’authentique, où le sensible n’a pas sa place où la nature est dévastée!!

Il faut être dans le rang. Ainsi chacun s’enferme dans sa petite bulle protectrice et joue un rôle sans trop se poser de questions.

L’hypersensibilité : un terrain glissant pour procrastinateur

De plus, tout est saucissonné, hyper spécialisé et pour un être surdoué tout cela est perturbant et sans grand sens! A vrai dire, c’est perturbant pour tout le monde. Le surdoué n’est pas tant différent des autres mais il est surtout plus intense. Il conscientise, et ressent plus fort, de façon plus accrue les choses. Là où une personne «classique» n’aura pas forcément conscience de la chose ou ressentira une légère gêne, le surdoué lui, éprouvera un mal être profond, et souffrira dans sa chair!*

*A sound is a noise,
A misfortune is a tragedy,
A joy is an ecstasy,
A friend is a lover,
A lover is a god,
And failure is death.
Pearl Buck

Alors comment trouver et prendre sa place dans un monde formaté, vicié, qui nous fait parfois souffrir dans notre chair ?

La procrastination vient souvent d’un sentiment confus d’idées, de sensations, de décalages, de croyances pas bien identifiés…

Le haut potentiel est tiraillé entre le doute (de lui, de tout), le sens, son hyper-empathie, le regard de l’autre, sa liberté, ses choix, son intensité. Il est donc nécessaire d’éclaircir cela.

Pourquoi interroger le surdoué sur son passé est important ?

Tout d’abord et comme souvent l’histoire du zèbre haut potentiel est prépondérante. Est-ce que oui ou non notre zèbre s’est-il déjà autorisé à prendre sa place, à aller au bout de son propre désir? S’est-il autorisé son originalité, sa façon généralement peu académique ou inattendue de prendre les choses ?

Si la réponse est non, cette envie, cette «exposition» va bien sûr être stressante, inconfortable, surtout si les quelques tentatives passées ont été critiquées.

Un zèbre qui procrastine est un zèbre inhibé

Rappelons-nous le peu de confiance en lui qu’à le surdoué et l’importance qu’il accorde au regard de l’autre! Ce regard qui peut parfois inhiber totalement le désir du zèbre qui ne s’autorisera plus rien et, ou, qui ne parviendra plus à identifier ses envies.

Se confronter à ce monde peut-être souffrant pour le haut potentiel car il y a frottement, incompréhension réciproque. Le monde intérieur du surdoué tout en couleurs, en nuances, en subtilités, en intensité et le monde extérieur, torpide, qui bien souvent n’a que faire du juste, du beau, du plein, du sensible!!

Le conformisme ne sied pas aux hauts potentiels

Ce monde «rustiné» qui fonce droit dans le mur, auquel le zèbre doit (pense-t-il!) se conformer. Notre zèbre dont la pertinence, la lucidité, la vision, le cœur n’ont pas trouvé d’écho, ses qualités qui ont si souvent été balayées avant même d’être entendues, est-en difficulté.

C’est vrai que c’est décourageant, parfois même… Mortel!!…

Notre haut potentiel donc, avec sa vitalité, son enthousiasme, sa puissance, sa finesse, son talent, son cœur mais aussi avec sa faible estime de lui, ses hésitations, son perfectionnisme, son hyper-empathie, son hypersensibilité, son hyper-émotivité, son décalage, est écartelé!!

Comment la procrastination se met en place chez le zèbre

Parfois le fait même d’envisager l’action est douloureux physiquement. C’est ainsi qu’il peut passer son temps à élaborer des tas de concepts, d’idées, très intéressants sans passer à l’action! Il devient en quelque sorte, addict à une rêverie pseudo-confortable où il décortique, étudie un sujet à fond, où il peaufine sans fin un projet jamais assez parfait!

surdoué, angoisse…et procrastination

A long terme, cette inaction va déclencher de fortes angoisses. Le zèbre doit agir à sa façon. Il doit comprendre qu’il n’est pas obligé de tant se conformer mais plutôt de s’autoriser à être et oser se montrer!…S’il ne met pas en action son potentiel, il va procrastiner, s’étioler puis s’éteindre.

Le zèbre à le choix entre : être zèbre ou zombie!

Découvrir, comprendre son fonctionnement l’aidera pour «s’autoriser à être». Il comprendra qu’il n’est ni fou, ni mauvais, ni fragile, ni nul, ni tout seul!! Le zèbre doit suivre son cœur, son envie, sans trop se poser de questions et en faisant fi du regard des autres (je sais ; pas facile, mais possible!!).

Qu’est-ce qui lui parle dans ses tripes ?
Qu’est-ce qui fait sens?

C’est ainsi qu’il trouvera sa motivation, sa congruence. Refaire une lecture de son passé à l’aune de cette nouvelle grille de lecture (la douance) l’aidera à mieux se comprendre, mieux s’accepter.Avait-il des passions, des rêves qui ont été écrabouillés ou qu’il a laissés s’étioler ? S’est-il écarté de ce qu’il est profondément ? Comment ? En quoi ? Pourquoi ?

Il doit prendre conscience de son perfectionnisme, de ses doutes exacerbés, de son syndrome de l’imposteur omniprésent, de sa façon non académique mais cependant efficace de s’y prendre, du regard de l’autre trop prégnant.

Le surdoué doit réaliser que s’il a eu tant de mal jusqu’à présent, c’est parce qu’il y avait un décalage entre lui et les autres qu’il n’a pas su identifier. Il se pensait en dessous, incapable, impuissant, sans place, par méconnaissance de lui-même.

L’impact émotionnel de la pensée en arborescence

Il doit également comprendre qu’il est perméable à un nombre d’informations bien supérieur à la moyenne( intellectuelles, émotionnelles, sensorielles) qu’il a du mal à hiérarchiser, car tout pour lui est, et lui arrive, sur le même plan.

Ces informations qui peuvent être parfois antagoniques les unes aux autres (parfois qu’à première vue) peuvent embrouiller ses idées. Cela crée un impact émotionnel généralement sous-estimé.

Les chutes d’énergie distillent le doute et renforcent la dévalorisation

C’est ce qui peut engendrer une rupture, une chute d’énergie, et qui augmente son doute, son angoisse et lui donne la sensation qu’il est inconstant, et qu’il n’y arrivera jamais.

Cependant c’est également grâce à cette capacité de mixer finement autant d’infos que le zèbre obtient cette pertinence, cette fulgurance.

Il ne doit pas se juger ou juger son idée ; c’est nul, immature, illusoire etc…Il ne doit surtout pas devenir pour lui-même ce miroir déformant qu’il a pu connaitre par le passé et qu’il peut donc facilement et insidieusement avoir intégré.

Savoir choisir pour savoir faire

Souvent le surdoué se trouve écartelé entre plusieurs envies et n’arrive pas à faire un choix.

Il est intéressant dans ce cas d’observer la chose plus finement, et d’aller voir derrière chaque idée quelle est la véritable motivation afin de trouver le fil conducteur. Il est important aussi de relativiser l’idée; elle peut tout à fait n’être que le support de notre expression et donc pas si déterminante, pas si enfermante que ça.

La créativité du zèbre lui permettra de faire évoluer cette idée de base, de la transformer justement «à sa sauce de zèbre»! C’est ainsi aussi, peut-être, qu’il trouvera la liberté si chère à son cœur.

Dans une de mes vidéos je rappelle cette citation de Sartre : «la liberté, ce n’est pas pouvoir ce que l’on veut, mais vouloir ce que l’on peut».

Comment la procrastination masque la crainte de l’échec chez le zèbre

Souvent, le surdoué pense qu’il n’a pas assez d’éléments pour agir, qu’il n’est pas prêt pas assez parfait etc… Hors c’est l’inverse, il n’agit pas parce qu’il a trop de données (intellectuelles, émotionnelles, sensorielles…) et qu’il ne s’accorde pas le droit d’être imparfait. C’est pourquoi il est important qu’il sache se recentrer : Qu’est-ce qui me parle dans mon corps, mon coeur, et qui fait sens pour moi ?

Le lien entre perfectionnisme et procrastination

Mais également qu’il s’accorde le droit de se tromper ou de ne pas être parfait. Le zèbre peut aussi avoir tendance à se laisser happer par différents projets, différentes sollicitations; Il va aller là où on l’aime!! Et ainsi trop s’éparpiller, ce qui aura pour conséquence de l’ épuiser (il fera tout à fond), sans obtention de résultat satisfaisant.

Il validera alors une fois de plus «sa médiocrité».

L’abandon comme porte de sortie

Le zèbre peut aussi avoir tendance à abandonner un projet quand celui-ci devient un peu difficile. Comme le zèbre a l’habitude d’avoir des facilités, il peut se dire que si c’est difficile c’est que ce n’est pas pour lui. Sa crainte de l’échec peut aussi intervenir. Elle peut réveiller des souvenirs douloureux de l’enfance ; Moqueries, rejets.

Le fait de ne pas arriver à faire certaines choses que les autres font facilement. Ayant un fonctionnement complexe, il a souvent du mal à faire des choses simples. En revanche il sait rendre des choses complexes, simples.

Le rejet inconscient du monde

Le zèbre peut aussi ne pas avoir envie de réussir car inconsciemment il ne veut pas adhérer à ce monde qui l’a tant rejeté et avec lequel il n’est pas en accord. Un peu comme si réussir c’est se trahir!!

C’est pourquoi il est essentiel de se poser la question suivante : Comment je peux prendre ma place en restant fidèle à ce que je suis ? Comment et en quoi je peux apporter ma contribution à ce qui est important pour moi?

Un accompagnement peut-être alors très pertinent pour aider le zèbre dans cette démarche.

3 stratégies efficaces pour moins subir la procrastination

Aux questionnement suivants qui reviennent de façon incessante :

Je ne sais pas comment m’y prendre !

Réponse : Généralement la question est plutôt, est-ce-que je m’autorise à activer mon côté créatif,et, ou, peu académique? Ensuite, par quoi je commence et, ou, de quoi j’ai besoin pour commencer ?

Puis, je me fixe des «sous objectifs» qui me permettront d’être moins effrayé par la tâche, ou, comment avaler un éléphant? En le découpant en petits morceaux. Donc chaque jour, je mange un peu de mon éléphant!

Je cherche également dans mon projet quel est mon identité et ma contribution dans ce monde. C’est très important, cela m’aide à rester aligné, à créer de la motivation et à me nourrir de l’intensité dont j’ai besoin. Je contribue à quelque chose de plus grand, de plus fort que moi…

Je ne suis pas assez constant dans mon énergie, ma motivation, et ça me fait flipper!!

Réponse : La dessous, il y a plusieurs choses. Déjà, je prends conscience, que lorsque je suis en énergie haute, j’avance vraiment et de façon pertinente. Alors peut-être que si je me relâche un peu ce n’est pas si grave. Personne n’est à fond tout le temps. Chez moi les variations sont juste plus intenses que la moyenne. Je dois accepter que certains jours, rien ne vient!!

Peut-être aussi que pendant cette période intense, je n’ai pas pris soin de moi, de mes besoins parce que j’étais à fond dans ma création et donc j’arrive tout
simplement à fond de cale! Peut-être aussi que là dessous s’insinue un désir de perfection, de maitrise qui m’épuise voire même me démotive !

Là encore j’en prends conscience et j’essaie d’aller dans du plus juste, du plus serein et non dans du parfait. Le parfait n’est finalement qu’un signal fort de stress qui m’indique que je manque de confiance et qui n’est pas très intéressant dans la mesure ou il fige les choses.

J’ai trop d’idées, je ne sais pas choisir !

Réponse : Je cherche le fil conducteur de toutes mes idées. Je conscientise ce que je veux mettre en action chez moi, mon talent, ce qui est important pour moi. Je peux également concevoir mon projet uniquement comme support de ce que je veux mettre en action et ainsi laisser libre cours à ma créativité…

-Je remplace ceci : «Mon idée est nulle, je n’ai pas les compétences, je vais être ridicule, on va bien s’apercevoir que je suis un imposteur, je m’y prends comme un manche, ce que je fais ne vaut rien etc»…
-Par cela : « Je me fais confiance, je m’appuie sur mes ressentis, je suis mon intuition, je ne me laisse pas déstabiliser par l’opinion des autres (je me recentre), je connais ou je prends conscience de mes points forts (je m’appuie dessus), de mon fonctionnement, je chemine et je verrai bien comment faire des ajustements au moment voulu.»

Mais je n’y arriverai jamais!!
Ah bon?!
Et bien commence donc, juste pour voir !!…

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